


Mais qu'arrive-t-il de si terrible à Kako ?
Audacieuse histoire que celle de Kako l’hippopotame. Capturé et gardé dans un zoo, l'animal sauvage finit par manger son gardien.
Comment cette histoire peut-elle être racontée aux enfants? C'est par d'habiles procédés de mise à distance et d'effets d'annonce que l'auteure et l'illustrateur parviennent à proposer cette histoire sans traumatiser le lecteur.
Cette intrigue est tirée d'un fait divers qui a eu lieu au début du XXe siècle. Première mise à distance, il s'agit d'une histoire qui relève d'un temps révolu. Cette volonté d’insister sur le passé est renforcé par un texte introductif de l’actuel directeur de la Ménagerie du Jardin des Plantes qui affirme que cette histoire ne pourrait arriver aujourd'hui, autant pour des raisons de traitement des animaux que pour des questions de sécurité. Libre au parent/orateur de lire ce passage ou de l'expliquer à son enfant.
Une autre manière de mettre à distance le récit est la trouvaille graphique de cet album qui consiste à utiliser la page du journal de l'époque qui relate ce fait divers comme matière du corps de l'animal. Il est un personnage de papier, un animal d'archives, nécessairement désincarné.
La fin tragique "et sans autre forme de procès, le dévora", est annoncée tout au long du récit.
Si lorsque Kako était petit il était maladroit, charmant avec des petits yeux globuleux, il "était charmant - en tant qu'hippopotame s'entend". Mais quand il devient adulte, l'animal est décrit dans toute sa puissance : il pèse 2000 kilos, et a "deux incroyables canines semblables à des sabres".
Pour autant, l'intelligence de ce récit est dans sa finesse. Alors oui, Kako est "animé d'un instinct de bute qui finalement ne l’avait peut-être jamais quitté". Mais il a aussi été capturé bébé et envoyé d'Afrique en Europe dans une caisse. Et le jour de l'incident, la gardien l'avait abandonné, l’animal avait mal dormi, effrayé par les pétards de la fête et les visages des visiteurs se pressant autour du bassin.
Un ouvrage subtil qui n'a pas peur d'aborder une histoire tragique sans pour autant être moralisateur.